Fête de la musique: entre droit à la fête et droit à la tranquillité

Madame le Maire,

Vendredi 21 juin 2022, la Fête de la Musique fêtait ses 40 ans. Son principe: un jour dans l’année, celui
du solstice d’été, les évènements musicaux et leur public ont l’autorisation d’investir les espaces
publics des parcs aux squares en passant par les rues, les jardins et les places. Un évènement né en
France, officialisé au Ministère de la Culture sous Monsieur Jack Lang, dont nous pouvons être
collectivement fiers qu’il se soit exporté en Europe et au-delà. Sans conteste, une véritable réussite.
Le 21 juin, on célèbre la musique, toutes les musiques : du classique à la techno, du gospel au métal,
de la variété française aux batucadas brésiliennes. C’est un moyen pour tou.te.s de (re)découvrir des
styles, des instruments, des voix. Mais, le 21 juin, on célèbre aussi et surtout le droit à la culture et à
la fête, partout et pour tout.e.s. Des droits dont nous avons été privés pendant deux ans de
pandémie. Alors, ce 21 juin 2022 sonnait comme un symbole : celui de se retrouver, de se
réapproprier l’espace public sans (ou presque) de gestes barrières en chantant, dansant, célébrant
hors les murs les acteurs culturels – professionnels ou amateurs – de notre ville afin de recréer du
lien entre Lilloises et Lillois. Et de retrouver le bonheur d’être ensemble. Bref, un moment attendu,
simple, qui fait la joie de petits et grands.

Et pourtant, il a fallu tendre l’oreille ce 21 juin. La décision d’interdire toute diffusion de musique
amplifiée à l’extérieur est venue jouer les troubles fêtes !
Au-delà de cette décision prise – encore une fois – sans aucune concertation, que ce soit avec nous,
membres de l’opposition ou avec les acteurs concernés, quel triste choix d’avoir quelque peu bradé
cette pourtant belle fête de la musique.

Quelle tristesse pour notre ville et pour nous, habitantes et habitants de Lille, réputée chaleureuse,
accueillante et oui, assumons-le, festive !
Quelle tristesse pour les acteurs culturels de la Ville, ceux qui débutent et pour qui ce type
d’évènement peut être un véritable tremplin comme pour ceux à la réputation déjà solide.
Quelle tristesse pour les commerçants, restaurateurs et bistrotiers, pour lesquels la fête de la
musique se positionne généralement comme un de leur pic de fréquentation – et donc de leur chiffre
d’affaire.
Quelles tristesse pour les amateurs ou joueurs de musique électronique, techno, assistés par
ordinateur pour qui l’amplification est nécessaire, relégués de fait en intérieur, loin des yeux et des
oreilles des passant.e.s.

En réalité, ce 21 juin a surtout été le symbole d’un manque de vision de ce qu’est la vie nocturne ou
de ce qu’elle devrait être dans notre ville.
Ce n’est pas opposer les riverains en quête de tranquillité contre les fêtards, les salles de concerts
ou les bars.

Certes, nous entendons bien la problématique des nuisances sonores, « une question de respect de
chacun » pour vous citer. Nous comprenons le ras-le-bol de certains face au manque de contrôle de
bars parfois sans scrupule, notamment et encore une fois, secteur Solférino Masséna où des DJ se
sont fait entendre jusque 6h du matin. Tandis que sur d’autres secteurs, de nombreux contrôles ont
été effectués : cette différence de traitement géographique entre les quartiers est
incompréhensible.

Oui, il faut une réponse coercitive pour les abus que nous constatons. Cela est nécessaire. Mais nous
refusons de croire que cela constitue l’unique et seule réponse.

La vie nocturne dans une ville comme la nôtre, ne devrait pas se résumer à une question d’heure
d’ouverture ou de fermeture de bars. La diversification des loisirs en soirée, c’est orienter les
Lillois.e.s vers les espaces culturels de notre ville : les musées, les cinémas, les médiathèques, les
salles de concerts, etc. Mais c’est aussi créer de l’activité dans nos rues, toute l’année, en dehors des
espaces institutionnels. Le conseil de la nuit et la diversité des acteurs qui y sont représentés doit
s’emparer de cette question des loisirs de soirée qui amène aussi un enjeu de santé publique :
assurer une grande diversité d’activités nocturnes, c’est éviter que le seul loisir ne devienne la
consommation d’alcool tout au long de la nuit.

Votre décision face à la fête de la musique pose donc une question plus générale, qui est ma
question ce soir : suite à cette édition malheureuse de la fête de la musique, quelles leçons
comptez-vous tirer pour les prochaines fêtes de la musique, et plus largement pour les festivités
de notre ville afin de concilier droit à la fête et droit à la tranquillité ?

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